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Travailler à l’étranger, un tremplin de carrière… mais attention à la retraite !

Pour les experts-comptables, partir à l’étranger peut être un véritable accélérateur de carrière. Mais cette expérience peut aussi avoir des effets inattendus… notamment sur la retraite. Quelles sont les précautions à prendre ? Témoignages d’experts-comptables ayant franchi le pas lors de leur stage d’expertise-comptable en tant que salariés et conseils d’une experte.

Pourquoi partir à l’étranger ?

« Je recommande à tout expert-comptable qui souhaite travailler durant sa carrière sur des dossiers transnationaux de saisir l’opportunité d’une expérience à l’étranger », conseille Alain Girard, associé fondateur du cabinet FIDAG, spécialiste de l’accompagnement des entreprises étrangères en France et des entreprises françaises à l’étranger.

Durant son stage d’expertise comptable, Alain Girard a, en effet, eu l’opportunité de travailler successivement pour KPMG, en Allemagne, en tant qu’auditeur, puis BMW en Italie, en tant que responsable de l’organisation, avant d’être diplômé, en France, en 1984. « J’ai énormément appris en étant confronté à d’autres cultures », s’enthousiasme-t-il. À son retour en France, il sait qu’il veut continuer à travailler avec différents pays et décide de fonder, à Paris, un cabinet spécialiste des questions transnationales. « Aujourd’hui, je travaille quotidiennement en français, anglais, allemand et italien, je suis très heureux d’avoir pu cultiver cette spécificité et d’avoir transformé cette expérience initiale en carrière ».

Florence Hauducoeur, associée chez PwC France, a quant à elle travaillé en Australie, en 1991-1992. « J’ai beaucoup appris et adoré cette expérience en immersion totale dans un cabinet australien, avec des collègues australiens, des clients australiens, à une époque où peu de Français se rendaient dans ce pays.

Elle reconnait l’impact important de cette expérience, qui l’a amenée à mener bien d’autres missions dans un environnement international par la suite. Si l’on souhaite être un jour associé dans un grand cabinet de conseil, un parcours à l’étranger est devenu essentiel de nos jours », recommande-t-elle.

Et la retraite dans tout ça ?

Pourtant, tous deux l’admettent : s’ils ont pensé à leur future carrière en faisant ce choix… ils n’ont à aucun moment songé à l’impact potentiel de cette période sur leur retraite.

« Je dois avouer que la retraite était le cadet de mes soucis avant mon départ en Australie ! », s’exclame Florence Hauducoeur.

Car la très grande majorité des expatriations pour les experts-comptables ont lieu à l’entrée dans la vie professionnelle, lors du stage DEC, avant d’être diplômé et inscrit à l’Ordre, à un âge où la question de la retraite n’est qu’une lointaine perspective. Les experts-comptables étant diplômés tard, le stage DEC a lieu entre 25 et 30 ans. « À 25 ans, tout le monde rêve de partir travailler à l’étranger, d’autant qu’avec notre formation, ce « stage » est une réelle expérience professionnelle, avec un vrai salaire qui fait que l’on peut pleinement profiter de ce moment de vie, c’est une configuration d’expatriation idéale. Au retour et au moment de l’obtention du diplôme, vers 30 ans, on songe alors à se poser, fonder une famille… et s’expatrier à 35 ans devient tout de suite une autre histoire », poursuit-elle.

Si la retraite n’a pas été une préoccupation pour Florence Hauducoeur au moment de son départ, elle a eu la chance que son ancien employeur français la protège sur ce volet.

« Lorsque je suis partie en Australie, il m’a inscrite à la Caisse des Français de l’Étranger (CFE) pour cotiser à une assurance volontaire. Il m’avait dit : « tu verras, ce sera bien pour ta retraite ». Et il avait raison. En effet, j’ai pu constater sur mon relevé de carrière que grâce à ces cotisations, j’avais acquis des trimestres de retraite, alors même qu’il n’existe pas d’accord en matière de retraite entre la France et l’Australie. »

Alain Girard a pour sa part effectué son stage dans deux pays membres de l’Union européenne Alain Girard a pour sa part effectué son stage dans deux pays membres de l’Union européenne.

« À l’époque, les experts-comptables pouvaient faire 2 années sur 3 années de stage à l’étranger quel que soit le pays choisi – ndlr : aujourd’hui, la totalité du stage peut s’effectuer dans l’UE et certains pays francophones, sous certaines conditions. Mes 6 années d’expérience en Allemagne et en Italie me donnent le droit à une retraite de ces deux pays, alors même que je n’ai pas encore liquidé mes droits en France, explique-t-il. Ce fut pour moi une bonne surprise de pouvoir toucher une retraite sans avoir encore fait ma demande en France, même si la reconstitution de carrière a pris beaucoup de temps, car j’ai dû entreprendre certaines démarches directement auprès des caisses des pays. Pour moi, il est important de s’y prendre tôt, car les échanges de courriers entre caisses prennent souvent plusieurs mois… voire plus ! Heureusement, les experts-comptables savent très bien gérer cela et s’armer de patience. ».

Tout dépend du contrat

Quelles sont les conséquences sur la retraite d’une période travaillée à l’étranger ? Cela dépend à la fois du pays dans lequel cette période est effectuée et également du statut du travailleur.

Prenons le cas d’un jeune expert-comptable qui souhaite accomplir son stage à l’étranger. « La toute première question à se poser est celle du statut, explique Emmanuelle Aubineau, conseiller retraite chez Malakoff Humanis, l’un des organismes qui gère le régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco.

Si vous restez salarié d’une entreprise française et êtes simplement en mission, quel que soit le pays, vous serez considéré comme un travailleur détaché et alors, cette période travaillée à l’étranger n’aura aucun impact dans la mesure où vous cotisez en France et dépendez toujours du système français. En revanche, dès lors que vous êtes salarié sous contrat local dans un pays, alors, vous relevez du régime de retraite de ce pays et devez y cotiser. »

Or, la plupart des experts-comptables, lorsqu’ils effectuent leur stage à l’étranger, sont dans le cadre d’un contrat local, ce qui implique de bien se renseigner sur le régime du pays d’accueil en amont de son départ.

Le Cleiss, la bible en matière de protection sociale à l’international

Car les droits à la retraite sont en effet très variables selon le pays dans lequel le contrat est signé, avec des paramètres qui varient, comme la durée de cotisations requise pour l’ouverture des droits ou bien encore l’âge légal de départ à la retraite. L’ensemble des informations relatives aux différents systèmes de protection sociale des pays sont accessibles sous forme de fiches sur le site du Centre le liaisons européennes et internationales de Sécurité sociale, le Cleiss (voir également Un café avec Jean-Luc Izard, président du Cleiss pour tout comprendre de cet organisme et de son rôle).

« Le site du Cleiss, c’est vraiment notre bible dès lors que l’on parle travail à l’étranger et protection sociale. Toutes les informations y sont regroupées et à jour, se renseigner sur ce site est l’étape incontournable avant toute expatriation, que l’on soit salarié, employeur ou même indépendant », appuie Emmanuelle Aubineau. Car selon les pays, des conventions existent également pour la protection sociale des indépendants.

L’UE, un cadre bien établi. Hors UE, des situations très variables

Comment sont reconnues par la France les périodes travaillées à l’étranger ? Du côté de l’Union européenne, une coordination générale des régimes de retraite est prévue pour les 27 pays membres, ainsi que la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse. Cela signifie qu’en matière de retraite, la France, à l’instar des autres pays, considère les périodes de travail accomplies dans ces autres États comme si elles avaient été accomplies dans le pays. La règle au moment de la retraite est alors que chaque pays où une période de travail a ouvert des droits à la retraite verse la part de retraite qui lui incombe. Les retraites calculées sont payées dans l’État de résidence du titulaire.

En dehors de ces pays, la France a signé des conventions de sécurité sociale avec plus d’une quarantaine de pays, dont les États-Unis, le Japon ou encore le Canada. Là encore, des règles très différentes s’appliquent selon les pays. Même si une convention existe avec les États-Unis, il faut ainsi cotiser plus de 10 ans dans le pays pour obtenir le droit à une retraite de la part du pays…

Pour certains pays, enfin, comme l’Australie ou Singapour, aucune convention n’existe. Les expatriés, lorsqu’ils sont salariés, paient alors des cotisations sociales dans ces pays sans que cela ne leur ouvre jamais aucuns droits pour le calcul de leur retraite – même si une partie des cotisations versées peuvent être récupérées au départ du pays, comme c’est le cas avec le Superannuation fund australien.

Des solutions pour sécuriser vos droits

Pour les salariés travaillant dans des pays sans convention signée avec la France, ou avec des pays dont la convention n’est pas très avantageuse, la Caisse des Français de l’Étranger (CFE) propose une assurance retraite volontaire, qui garantit au cotisant d’acquérir les mêmes droits à la retraite de base qu’un salarié de France durant son expatriation. En matière de retraite complémentaire, l’Agirc-Arrco propose également des dispositifs de cotisations volontaires, la CRE et l’IRCAFEX. Si vous êtes expert-comptable salarié et que vous restez inscrit à l’Ordre, vous continuez à cotiser et donc, à acquérir des droits à la retraite complémentaire.

Vous avez également la possibilité de racheter des trimestres de cotisations dans les 10 années qui suivent votre retour d’expatriation.

« L’idéal, si on ne s’est pas inquiété du sujet sur le moment, c’est de se préoccuper de la question dès son retour, conseille Emmanuelle Aubineau. Par ailleurs, chaque salarié a le droit aujourd’hui de demander un entretien information retraite à sa caisse de retraite à partir de 45 ans, explique-t-elle. Je conseille à ceux qui ont travaillé quelques années à l’étranger de prendre ce rendez-vous avec un conseiller, cela permet de se poser les bonnes questions et de réfléchir, par exemple, à l’intérêt ou non d’un rachat de trimestres, qui n’est pas l’unique option à envisager. »

Demain, une coordination européenne ?

Aujourd’hui, les périodes travaillées à l’étranger n’apparaissent pas dans le relevé de carrière. Faire reconnaître son droit à la retraite dans un pays étranger est donc toujours une démarche volontaire de l’assuré. À partir de 55 ans, il est possible pour cela de « corriger » sa carrière sur Mon Compte Retraite et notamment, par exemple, d’ajouter une période travaillée dans un pays membre de l’Union européenne ou sous convention avec la France.

Un groupement européen travaille, depuis 2016, à décliner le modèle d’Info Retraite à l’échelle de l’Union Européenne et de l’Espace économique européen (Suisse, Norvège…). L’objectif est, à terme, que l’assuré puisse voir apparaître sur son relevé de carrière les informations de tous les régimes européens auxquels il a cotisé. Find Your Pension est le site créé à cet effet. À ce jour, la Belgique et la France sont raccordées au système et, en 2026, les Pays-Bas et l’Allemagne devraient les rejoindre.

Ce qu’il faut retenir avant de partir

Mais en attendant cette convergence des systèmes, qui prendra encore quelques années, « s’il n’y avait qu’un conseil à donner, ce serait évidemment d’anticiper au maximum, indique Emmanuelle Aubineau. Anticiper avant de partir en se renseignant sur le fonctionnement du pays dans lequel on s’expatrie et surtout, garder absolument précieusement tous les papiers relatifs à son travail sur place, le contrat, les bulletins de paie ou bien les attestations de paiement des cotisations. Certains pays mettent beaucoup de temps à répondre au moment de la liquidation et produire des justificatifs permet d’avancer plus vite. Se préoccuper tôt du sujet assure une liquidation plus sereine ».

Un dernier conseil pour les candidats à l’expatriation ? « N’oubliez pas que ce qui compte avant tout pour partir, c’est de bien maîtriser la langue du pays dans lequel vous souhaitez travailler. Les experts-comptables ne travaillent pas toujours assez cette compétence, ne la négligez pas ! », conclut pour sa part, avec une note d’humour, Florence Hauducoeur.

Nos conseils

Quelques ressources utiles en vue d’une expatriation ou au retour de celle-ci :

  • Le site du CFE
  • Le site du Cleiss, où sont répertoriées l’ensemble des informations en matière de protection sociale des principaux pays du monde
  • Le webinaire du Cleiss, Votre retraite après avoir travaillé à l’étranger
  • La page du site de l’assurance retraite, au bas de laquelle un guide retraite des expatriés est téléchargeable.
  • Mon Compte Retraite, qui vous permet notamment de « corriger » votre carrière en indiquant vos périodes travaillées à l’étranger. Corrections possibles à partir de 55 ans.
  • Find Your Pension : le droit à l’information décliné à l’échelle européenne. Lancé en 2022, le site vise, à terme, à collecter les informations retraite de l’ensemble des pays européens. À ce jour, la Belgique et la France sont raccordées au système, d’autres pays à venir.