Ancien élève de l’institut régional d’administration (IRA) de Lyon, Stéphane Bonnet a d’abord exercé des responsabilités dans différents cabinets ministériels. En novembre 2017, il est nommé directeur de l’Union Retraite, un groupement d’intérêt public (GIP) qui réunit l’ensemble des régimes de retraite obligatoire, de base et complémentaires. Cet organisme a pour mission de simplifier et de faciliter la retraite, en déployant des services communs à l’ensemble des régimes, accessibles en ligne sur le portail Info Retraite. Stéphane Bonnet nous détaille les enjeux, les accomplissements et les prochains chantiers de l’Union Retraite, ainsi que les dernières avancées dédiées aux experts-comptables.
Pourriez-vous rappeler le rôle du GIP Union Retraite ?
Créée par la loi de réforme des retraites du 20 janvier 2014, l’Union Retraite a étoffé ses missions au fil des années. Sa vocation première est de renforcer le droit à l’information des assurés, en centralisant et en consolidant toutes les données relatives à leur carrière. Un progrès d’autant plus important que les français, au cours de leur vie professionnelle, cotisent en moyenne à 3 ou 4 régimes. Ils ne sont plus obligés, comme avant, de partir à la chasse aux informations dans leurs différentes caisses.
La simplification s’est accélérée, à partir de 2017, avec le déploiement services numériques communs sur «Mon compte retraite», l’espace personnel propre à chaque assuré. Le plus emblématique est la demande unique de retraite en ligne, valable pour tous les régimes. Sont également très utilisés par le public : la consultation et la rectification de carrière en ligne, la demande unique de réversion, le simulateur « mon estimation retraite », le pack paiement – incluant attestation fiscale et relevé de versement des pensions – ou encore le contrôle d’existence, pour les retraités vivant à l’étranger.
La loi du 26 février 2021, relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, vous a octroyé une nouvelle compétence.
L’Union Retraite a effectivement reçu du législateur une nouvelle mission d’intérêt général : la centralisation et l’identification, sur son site portail, des contrats d’épargne retraite détenus par les français, de tous types – PER, Perin, Perp, Perco, Préfon, Madelin, Corem, Article 83… A ce jour, nous avons recensé 16 millions de contrat, individuels ou collectifs, pour 13 millions de bénéficiaires, à partir des données transmises par les organismes financiers. L’enjeu n’est pas mince. Chacun peut désormais retrouver sur son espace personnel en ligne ses contrats d’épargne retraite, y compris ceux dont il aurait oublié l’existence, car souscrits par un ancien employeur. En moyenne, 20 % des personnes consultant le service déclarent découvrir une épargne «surprise» !
Avec ce dernier outil, les assurés disposent désormais d’une vision complète de leur retraite, dans les régimes de base, complémentaires et supplémentaires. Ils sont d’autant mieux armés pour anticiper et préparer leur fin de carrière.
Que représente cette retraite non réclamée ?
Au total, environ 2 % des contrats d’épargne retraite n’ont pas été liquidés par leurs détenteurs, en âge de faire valoir leurs droits. Soit 5,5 milliards € en attente de leur propriétaire … L’accessibilité des contrats sur Info Retraite et les campagnes de sensibilisation que nous menons devraient réduire significativement ce stock dormant.
Quels sont les services inter-régimes les plus utilisés ?
Ils affichent tous une fréquentation en forte hausse, leurs usages se renforçant mutuellement au sein d’une panoplie complète de préparation et de gestion de sa retraite. Aujourd’hui, 16 millions d’assurés ont ouvert leur espace sécurisé en ligne Mon compte retraite, en hausse de 35 % en 2023. Et 6,2 millions ont téléchargé l’application, en augmentation de 106 % sur un an. Le simulateur M@rel, qui permet une prévision fiable et précise de sa retraite, est également très populaire, avec près de 26 millions d’estimations réalisées en 2023, soit un bond de + 63 % par rapport à 2022. Autre indicateur de démocratisation de nos services : la demande unique de retraite en ligne est aujourd’hui adoptée par les deux-tiers des usagers concernés – contre un tiers qui préfère encore le dossier papier – tandis que la réversion en ligne a conquis un demandeur sur deux.
Quels sont les projets majeurs de l’Union Retraite ?
Nous continuons de développer et d’enrichir la gamme de services numériques offerts sur Info Retraite. Ainsi proposerons-nous bientôt deux nouvelles solutions en ligne, en application de dispositions contenues dans la dernière réforme des retraites, à savoir la demande de droits issus du cumul emploi-retraite et la démarche de retraite progressive. Par ailleurs nous faisons régulièrement évoluer l’existant. Par exemple, nous avons déjà simplifié considérablement le contrôle d’existence pour le million de retraités vivant à l’étranger. Ceux-ci n’ont plus qu’à produire un seul certificat de vie, valable pour tous les régimes. Depuis juin, il n’est même plus besoin de se déplacer au consulat ou auprès d’une autorité locale pour compléter ce document : il suffit d’un autocontrôle biométrique, depuis l’appli mobile «mon certificat de vie».
Dans la même logique de facilitation, nous avons comblé récemment une lacune, résultant du cloisonnement des branches de la Sécurité Sociale, qui conduisait à déclarer ses enfants lors de la demande de retraite : il est désormais possible de renseigner cette information en ligne à tout moment. Le service démarre fort, avec près de 600 000 déclarations en ligne depuis décembre 2023.
La simplification des retraites pourrait-elle s’étendre à l’échelle européenne ?
Nous planchons en effet sur la simplification des démarches pour les assurés effectuant tout ou partie de leur carrière dans l’Union Européenne et l’Espace économique européen (Suisse, Norvège,…) : en effet 500 000 travailleurs transfrontaliers français acquièrent des droits en Europe chaque année, sans compter ceux installés dans les pays membres. Porté par un groupement européen, ce chantier se matérialise aujourd’hui via un portail, Find Your Pension, sur lequel il est possible de retrouver ses périodes de travail dans différents pays – la France s’y raccordera fin 2024. L’objectif à terme est de proposer, sur le modèle d’Info Retraite, des services en ligne intégrant automatiquement tous les régimes européens où l’on a cotisé. Un tel projet requiert la convergence de données dans plus de 30 pays. Un travail complexe qui prendra plusieurs années pour interconnecter leurs systèmes d’information
L’Union Retraite fédère 35 régimes différents. Comment faites-vous pour travailler ensemble ?
Nous consacrons du temps, en amont de chaque projet – création ou enrichissement d’un service en ligne, le plus souvent – à nous accorder sur le contenu, la finalité, le calendrier. Ensuite nous désignons, parmi les 35 membres de l’Union Retraite, un chef de file pour le développement du produit, et un autre pour sa qualification ( « recette »).
Les régimes de retraite sont aguerris à la gouvernance participative. Ils sont régulièrement associés au sein de grands projets transverses, inter-régimes, comme la construction du Répertoire de gestion des carrières unique (RGCU), centralisant les données professionnelles de l’ensemble des français. Ils partagent une culture et une pratique du travailler ensemble, qui contribuent grandement à la dynamique de simplification des retraites.
Comment garantir la bonne intégration des «petits» régimes au sein du vaste ensemble de l’Union Retraite ?
Nous apportons une expertise technique, une ingénierie de projet, des ressources humaines, afin d’accompagner chacun, et plus particulièrement les régimes de moindre taille, dans la réalisation des grands chantiers communs, comme le raccordement au RGCU dont je viens de parler. Nous veillons également à bien prendre en compte les spécificités de chaque régime. L’Union n’est pas la standardisation. Par exemple, nous avons travaillé avec la Cavec pour l’inclusion des données de carrière de ses affiliés dans le simulateur M@rel, l’un de nos services les plus populaires – plus de 2 millions d’estimations de retraite réalisées chaque mois. Les services de la Cavec et les experts-comptables ont été impliqués tout au long du projet, afin d’intégrer dans le simulateur les particularités de leur régime, de tester l’interface, de formuler des recommandations pour son ergonomie, la terminologie…C’est bénéfique dans les deux sens. Nous nous sommes servis de ces retours pour enrichir les informations et conseils dédiés, dans le simulateur, à l’ensemble des travailleurs non salariés. Et les affiliés de la Cavec disposent désormais d’un outil fiable et précis, car fondé sur les données réelles de carrière, qui permet non seulement d’estimer sa retraite mais de tester les scénarios possibles – décalage du départ en retraite, changement de statut, augmentation de revenus, naissance d’un enfant… Il devient possible d’évaluer l’impact sur sa retraite de ses choix professionnels ou personnels.
En conclusion, comment résumeriez-vous votre action ?
Nous mettons tout en œuvre pour que chacun puisse anticiper, préparer sa retraite tout au long de la vie professionnelle. Et, une fois retraité, puisse accéder à toute l’information, à des conseils pertinents, concernant sa pension, sa santé, son environnement, sa fiscalité. Le tout dans une double exigence d’efficacité et de solidarité. Un exemple : nous avons engagé une campagne nationale d’information pluri-annuelle à destination des particuliers âgés de 70 à 80 ans, qui n’ont pas liquidé tous leurs droits à retraite. Ce sont ainsi quelques 600 000 personnes qui seront en mesure d’améliorer leur pension, pour des montants parfois significatifs. En unifiant leurs services et leurs systèmes d’information, les 35 régimes – de base et complémentaires – œuvrent à une retraite plus simple et plus accessible.